ÉCRITS MICHEL RAIMBAUD

Sans doute me souvient-il !

Raimbaud Folle Gabare l'Escarbote

Folle Gabare l’Escarbote – N°29

Texte de Michel Raimbaud publié dans le catalogue édité lors de l’exposition au Musée des Beaux-Arts de Nantes

18 mai – 3 septembre 1979

Sans doute me souvient-il !
du premier ventre,
de la maison, du jardin,
de l’atelier aux outils mystérieux,
de mes jeux, bricolés de ferrailles et de bois,
de l’histoire, des légendes – Gavrinis et les cathédrales -et
CHAISSAC en paysannerie peinte.

Ici et maintenant,
le chant des grèves
après la ville et les villages,
où ‘les arbres s’arque-boutent,
le sel brûle la fleur,
le crabe crève au sec :
Patchwork de temps et de matériaux hétérogènes.

REGARDE !…
… oui, avec tes mains !
le bois qui se découpe
sur ce fond de roches brunes.
Il est pâle – gauchi par le flot
du temps – depuis ce temps où il t’attend.
Respire son chant d’iode,
enveloppe -toi de son appel,
touche sa robe, aux dessins d’herbes folles,
mémoire de ses racines.

A pleins poumons, pénètre-toi de lui,
raconte-lui ton vouloir
afin qu’il te respire
et qu’ensemble
vos cœurs chantent à l’unisson.

Laisse-le te guider
à son équilibre tranquille
Que ton bras soit sa branche.
Et, tel qu’il aurait poussé…
…laisse-le …se poser…
Pour qu’à ce temps
il te montre, toute vergue au ciel,
l’ouverture aspirée…
…issue vers l’inconnue !

TU n’es plus vertical !
TU es oiseau !
TU es appelé, toutes ailes dehors !
…une fois de retour…

TU N’ES PLUS LE MÊME !

Des lieux investis en première aventure :
Folle gabare au fond d’un puits, au musée des enfants,
sous les arbres du parc de Tessé,
dans la ville, au pied des tours de La Rochelle,
sur les rochers de Tanchet, parmi la foule d’été,
dans le sable de la grande plage,
brisant à la mer la tempête du solstice.

Des mattes folles d’enfants !
grimpent, sautent,
tanguent et roulent,
expérimentent de nouvelles gîtes
renversant ainsi l’image traditionnelle
de l’aplomb normalisé continental.

Tout en visitant, à plein corps,
en risque physique,
le chemin qui leur est donné,
ils accèdent à certaines régions de l’œuvre
fermées à mes possibilités personnelles,
et projettent une puissance supplémentaire
féconde au futur de mon travail,
et de leurs souvenirs.

Que jaillisse !
en eux et par eux,
une immense promesse !

Construire de l’insolite – du méconnaissable –
ÊTRE méconnaissable

Travail de force à vide de pensée
pour accepter du lieu
la voie qu’il nous ouvre.
Faire avec et en lui.
Bricoler de nouveaux langages,
dans l’ornière des vieux clochers.

Paysan, marin
aveugle du cœur de la Terre ou de la mer qui les porte,
mes mains sous la peau,
vos yeux sur la peau.
Sac de tripes molles sur mes bras,
mes doigts cousant l’envers du décor .

… Seule, la charpente de cœur
est claire à nos yeux,
dressés comme la licorne
vers la verrière du patio de Nantes.
En recherche d’alliance du bleu de l’air,
la peau se tendra
seule
et dessinera
son visage.

Michel RAIMBAUD
1979

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